NON A L’EXTRADITION DES ASILIE.ES ITALIEN.NES
[Posté le 26/03/2022]
On relaie ce communiqué rédigé par une camarade et un asilié italien.
Mercredi 23 mars, la cour d’appel de la chambre de l’instruction du tribunal de Paris entame l’examen des demandes d’extradition envoyées par l’Etat italien à l’encontre de dix ancien.es militant.es d’extrême gauche italien.es vivant en France. Les demandes d’extradition sont examinées deux par deux, lors de cinq audiences qui s’échelonneront jusqu’au 20 avril. Des recours restent possibles devant le Conseil d’Etat et la Cour de cassation. Le président Macron et le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, n’ont pas caché leur intention d’accéder aux demandes de Rome.
En mai 1876, plaidant au Sénat pour le pardon en faveur des communard.es, Victor Hugo lance : « Ce que l’amnistie a d’admirable et d’efficace, c’est qu’on y retrouve la solidarité humaine. C’est plus qu’un acte de souveraineté, c’est un acte de fraternité. C’est le démenti à la discorde. L’amnistie est la suprême extinction des colères, des guerres civiles. Pourquoi ? Parce qu’elle contient une sorte de pardon réciproque. »
L’Etat français, répondant à une demande politique du gouvernement italien sous la pression de son aile fasciste, menace d’extradition des asilié.es italien.nes, protégé.es jusqu’ici et depuis 40 ans par la « doctrine Mitterrand ».
Cette « doctrine Mitterrand » n’est pas un texte écrit, c’est une décision politique du Président élu en 1981, affirmant qu’aucune extradition ne sera accordée pour des faits de nature politique. Et c’est bien pour des faits de cette nature que des centaines d’Italien.es issu.es de différents groupes de militant.es d’extrême gauche fuyant la répression dans leur pays s’étaient refugié.es en France après des années d’une lutte politique violente menée pour le bien, la justice, l’égalité et la solidarité.
A celles et ceux qui qualifient cette lutte historique de simple terrorisme d’extrême gauche, il est bon de rappeler que, entre 1969 et 1975, 83 % des faits dits de violence politique en Italie sont imputables aux groupes d’inspiration néo-fasciste, ainsi que 63 des 92 victimes de l’époque.
Aujourd’hui, au-delà de la trahison de la parole donnée à ces militant.es sur leur protection en France, Emmanuel Macron et son affidé Garde des Sceaux, Eric Dupont-Moretti, instrumentalisent cette affaire pour donner des gages à la droite et l’extrême droite puisque l’enjeu sécuritaire est devenu une priorité pour la classe politique française en période préélectorale.
9 femmes et hommes pourraient être ainsi extradé.es donc sacrifié.es sur l’hôtel d’un accord éthiquement inacceptable, puisque devenu.es e les otages de politiciens s’aménageant des garanties et des alliés pour asseoir leur pouvoir ou essayer de le garder lors des prochaines échéances électorales.
Ces basses manœuvres, cet acharnement judicaire qui confond justice pénale et justice sociale ne garantissent pourtant ni Emmanuel Macron ni Mario Draghi d’être encore au pouvoir au terme des longs mois que nécessitent les procédures engagées pour éviter ces extraditions. Les asilé.es sont, jusque-là, libres sous contrôle judiciaire.
Par contre, si les asilié.es étaient extradé.es plus de 40 ans après les faits qui leur sont reprochés et en raison des lourdes peines qui leur sont infligées, toutes et tous sont assuré.es de mourir en prison.
L’Italie cherche la vengeance, la France est prête à lui offrir les moyens de l’assouvir. Deux gouvernements centristes cèdent au chantage de la droite extrême : en Italie, Matteo Salvini est toujours déterminant à l’assemblée nationale, en France, Emmanuel Macron a clairement lancé sa campagne présidentielle sur le tout sécuritaire pour récupérer des votes à droite.
Deux pays voisins, au cœur de l’Union Européenne peuvent donc s’accorder pour faire une démonstration de la force de l’Etat. L’Italie faisant payer aux asilié.es le défi qu’il.elle.s ont posé à l’ordre établi. La France revenant « sans états d’âme » sur une parole donnée.
Nous ne sommes pas dans une affaire de justice au nom des familles des victimes comme voudrait nous le faire croire Emmanuel Macron et Eric Dupont-Moretti, nous sommes dans l’inversion d’une politique d’accueil de l’Etat français et dans la mise à mort du principe de prescription.
Si les asilé-es sont extradé.es, il.elle.s n’auront pas droit à un nouveau procès en Italie, contrairement à cette obligation du droit français dans le cas de condamnation par contumace.
Mais quel procès peut-on attendre, 40 ans après les faits, avec des témoins à charge et à décharge, morts ou bien séniles ou légitimement confus après tout ce temps passé ?
Le temps judiciaire est dépassé, il doit laisser la place aux historien.nes pour entreprendre une démarche de vérité.
La « doctrine Mitterrand », l’asile politique n’effacent pas les fautes et les responsabilités, elle ne nie pas l’histoire de ce qui s’est produit. Elle permet au pays de recommencer à vivre, aux historien.es de faire leur travail et de transformer la douleur lancinante en objets de savoir.